RDC : Affaire Jean Marc Kabund contre Jean Jacques Mamba, vers un Scénario catastrophe : la dissolution de l’Assemblée nationale (Tribune de Barnabé Kikaya)

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Les Congolais se sont réveillés le samedi 23 mai 2020 avec un vrai choc en apprenant l’arrestation du député national Jean-Jacques Mamba pour flagrant délit. Etabli par le premier Avocat Général Bernard Mikobi, le mandat précise l’existence, à sa charge, « des indices graves de culpabilité et qu’il y a lieu de craindre qu’il ne tente de se soustraire par la fuite aux poursuites ou faire disparaître les preuves de ces infractions ». JJ Mamba est formellement accusé de faux et usage de faux par son collègue Simon Mpiana dans la composition de sa motion de déchéance du 1er vice-président de l’Assemblée nationale Jean-Marc Kabund. Pendant ce temps, condamnant fermement l’arrestation opérée « en violation de son immunité parlementaire et des principes fondamentaux de l’État de droit », l’Assemblée Nationale réclame la libération pure et simple du député aux arrêts. Dans le débat qui fait rage sur les réseaux sociaux sont brandis, pour justifier la légalité de l’arrestation de Jean-Jacques Mamba, les antécédents Mukonkole, Gecoco Mulumba, Franck Diongo. Qu’est-ce qui justifie aujourd’hui le soutien aux instances judiciaires qu’on vilipendait hier pour les mêmes raisons ? Parmi les réactions, on pourrait retenir celle du député Christian Mwando : invitation lancée à ses collègues à se constituer prisonniers. De quoi méditer sur l’éventualité d’un des trois scénarios suivants :

Premier scénario : REFUS DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DE SIÉGER PAR SOLIDARITE AVEC LE DEPUTE JEAN-JACQUES MAMBA

Que va-t-il arriver ? De deux choses l’une : soit Jean-Jacques Mamba du Mlc est libéré, et l’Assemblée nationale reprend son fonctionnement normal; soit il ne l’est pas, et la chambre basse se met en impossibilité de fonctionner.

Si l’Assemblée reprend son fonctionnement, Jean-Marc Kabund de l’Udps va devoir en tirer la seule conséquence valable : son retrait du Bureau de la Chambre basse. Et, avec lui, son collègue Simon Mpiana de l’Unc.

Si, par contre, elle cesse de fonctionner, Jean-Marc Kabund perd lui aussi son mandat de député national et son poste de 1er vice-président de la Chambre basse. En même temps, il fait perdre aux députés Udps leurs mandats. La crise pourrait dégénérer dans l’Udps !

Il est évident que les députés – toutes composantes confondues – ne voudraient pas sacrifier leur carrière pour si peu.

Deuxième scénario : DISSOLUTION DE L’ASSEMBLEE NATIONALE PAR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Depuis le début de la coalition, c’est le souhait permanent des radicaux évoluant autour du président de la République. Voici l’énoncé intégral de l’article 148 : « En cas de crise persistante entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale, le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale.

« Aucune dissolution ne peut intervenir dans l’année qui suit les élections, ni pendant les périodes de l’état d’urgence ou de siège ou de guerre, ni pendant que la République est dirigée par un Président intérimaire.

« A la suite d’une dissolution de l’Assemblée nationale, la Commission électorale nationale indépendante convoque les électeurs en vue de l’élection, dans le délai de soixante jours suivant la date de publication de l’ordonnance de dissolution, d’une nouvelle Assemblée nationale ».

Dans la faisabilité, les choses se corsent. La Constitution ne prévoit pas une autre possibilité de dissolution de la Chambre basse que celle d’une crise persistante avec le Gouvernement. Or, l’affaire Mamba-Kabund concerne uniquement l’Assemblée nationale. Elle n’est liée ni au président de la République, ni au gouvernement.

En plus, pour actionner cet article, il y a à l’alinéa 2 une procédure à suivre : le président de la République doit obligatoirement consulter le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et le Premier ministre. Rien n’indique qu’à cause d’une affaire interne Kabund-Mamba, l’un des trois accepte la consultation.

En plus, la dissolution obéit à des échéances. La première est l’année qui suit les élections. Cette échéance est tombée depuis le 30 décembre 2019. La deuxième est la période liée à l’état d’urgence ou à l’état de siège. On y est en plein. La troisième la période liée à la guerre et la quatrième la période liée à l’exercice du Pouvoir par un président de la République intérimaire. On n’y est pas.

Troisième scénario : AUTO-DISSOLUTION DE L’ASSEMBLEE NATIONALE

L’article 91 – que les hommes du président doivent apprendre à relire sans passion ni empressement – déclare que le gouvernement « conduit la politique de la Nation ». Ce n’est pas le chef de l’Etat. Il précise que le gouvernement « est responsable devant l’Assemblée nationale dans les conditions prévues aux articles 90, 100, 146 et 147 ». Ce n’est pas devant le chef de l’Etat.

En appeler à la dissolution de la Chambre basse a pour effet boomerang d’étrangler le gouvernement, de faire manquer au pays l’institution conduisant la politique de la Nation. Le « gouvernement des Secrétaires généraux de l’Administration publique » auquel on peut recourir comme sous Mobutu pendant la transition conflictuelle n’a pas cette compétence.

Sans Premier ministre, sans Gouvernement, que reste-t-il des Institutions en place ? Bien entendu : le Président de la République, le Sénat et les Cours et Tribunaux. Ce serait illusoire de la part du président de la République de se convaincre de la capacité de se passer de ces deux institutions sur lesquelles est fondé l’essentiel de ses actes d’État : Assemblée nationale et le Gouvernement.

PLAIDOYER POUR LA COALITION

Le pays plongerait dans cette crise pour sauver quoi ou qui ? La coalition ? Pas du tout. Le peuple ? Non ! La Constitution ? Non plus.

Toute cette agitation sera pour sauver un homme : Jean-Marc Kabund, détenteur d’un acte de nomination qui n’est ni statutaire (il ne se réfère à aucun article), ni notarié.

Etabli sur en-tête du Président du Parti, ne portant aucune référence et intitulé « MANDAT SPECIAL », son contenu est : « Je soussigné Félix TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, Donne, par le présent, mandat à Monsieur Jean Marc Kabund A Kabund, Secrétaire Général du Parti, aux fins d’assumer mon intérim à la tête du parti en usant de toutes les prérogatives reconnues au Président du Parti jusqu’à la fin de mon indisponibilité. Le Présent acte lui est délivré pour servir et faire valoir ce que de droit. Fait à Kinshasa, le 22 janvier 2019. Félix TSHISEKEDI TSHILOMBO ».

A quand la fin de cette indisponibilité ? Libre à l’Udps de fonctionner sans président national statutaire jusqu’en 2028 ou en 2023 et libre à Félix Tshisekedi de reprendre son poste de président du parti sans repasser par le congrès, mais il va falloir retenir que c’est pour Jean-Marc Kabund, contesté au sein de son parti, que le chef de l’Etat est prêt à faire basculer le pays dans l’inconnu !

La seule explication réfléchie à trouver dans l’arrestation cavalière de J-J. Mamba est celle d’un acte désespéré de la part d’un président de la République et d’un parti convaincus qu’ils étaient à l’aise dans l’opposition. Une opposition dont ils ne pourraient plus défendre les idéaux parce que le peuple n’y croira plus.

Raison de plus pour rester dans la coalition.

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