RDC : Vers l’arrestation en douceur de Joseph Kabila ? Kingakati en alerte maximale (Tribune de Delphin Murhabazi)

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La République Démocratique du Congo est entrée dans une zone de forte turbulence politique dont le pronostique échappe par moment même aux analystes chevronnés. De la prise de pouvoir par l’actuel président de la République, les changements opérés dans l’Agence Nationale de Renseignement en passant par ses multiples randonnées à travers le monde, la reconfiguration de l’appareil judiciaire, les nouvelles mises en place au sein des Forces Armées de la République Démocratique du Congo, l’arrestation du puisant directeur de cabinet Vital Kamerhe, la mise à la retraite de certains officiers militaires jusqu’aux rebondissements dans le dossier du regroupement AFDC-A; le schéma semble avoir été intelligemment dessiné dans de grands laboratoires occidentaux et confié au nouveau chef de l’État pour exécution.

Une récente déclaration d’un cadre du PPRD Mwene-ditu, mettant en garde contre une éventuelle arrestation de Joseph Kabila n’a fait que révéler l’inquiétude qui s’est déjà installée au FCC.

1. De la prise de pouvoir par le président Félix Tshisekedi

Le président Félix Tshisekedi a été investi à la tête d’un pays pris en otage par une sorte de confrérie qui avait réussi à imposer un mode de gouvernance basé sur la corruption, l’impunité et la tyrannie.
L’ancien régime avait complètement verrouillé l’environnement politique auquel ne pouvaient accédé que des personnes qui étaient rigoureusement sélectionnées par l’ancien chef de l’État souvent sur proposition de ses lieutenants.

L’ancien président de la République avait déjà pris ses distances avec l’occident souvent avec des réactions humiliantes et fâcheuses à l’égard de ses alliés d’autrefois. Comme les impérialistes digéraient mal les humiliations et les discours nationalistes que tenait déjà Joseph Kabila, ils avaient parié sur son départ qui serait le début du processus de son arrestation en vue de son transfèrement devant la justice internationale pour des faits qui lui seraient reprochés.

2. Les changements opérés au sein de l’Agence National de Renseignement

Quelque temps seulement après sa prise des commandes, le président Félix Tshisekedi avait procédé, le mardi 19 mars 2019, au remplacement de l’administrateur général de l’ANR, Monsieur Kalev Mutond par Justin Inzun Kakiak. Au terme des ordonnances présidentielles, Jean-Hervé Mbelu Biosha avait également été nommé administrateur général adjoint de l’ANR, tandis que Jean-Pierre Mbombo Tshibi et Kal Tshijik avaient respectivement été nommés chef du département intérieur et extérieur, et Numbi Kalala chef du département d’appui à l’ANR.

Jusque-là rien ne laissait filtrer une quelconque arrière pensée de la part du nouvel homme fort congolais. Pourtant, la suite des événements fera de grandes inquiétudes dans le camp de l’ancien régime. Et pour ne pas faire donner lieu à des suspicions, Félix Tshisekedi n’avaient profondément touché l’administration de cette agence dans les provinces.

3. Les innombrables voyages effectués par Félix Tshisekedi à travers le monde

Après les changements opérés à la tête de l’ANR, Félix Tshisekedi avait commencé ses tournées. Une vingtaine de pays parcourus dans le but de reconnecter son pays au monde extérieur et nouer ainsi des relations qui lui permettrait d’entreprendre les réformes qu’il envisageait. Au départ, les curieux observateurs y voyaient un simple souci de doter la RDC des alliés qui faciliteraient son plan d’émergence longtemps chanté par le régime passé. Très vite, le discours et le ton changeant et les visites de Tshisekedi se révélant en une manoeuvre de chercher des soutiens afin de se débarrasser de son prédécesseur qui du reste paraissait très encombrant et omniprésent dans l’exercice du pouvoir.

Le président de la République aura donc fait résonner le bon son dans les oreilles des occidentaux longtemps humiliés par son prédécesseur. Même s’il garde la majorité numérique dans les institutions notamment le parlement, il est déjà vulnérable par le simple fait qu’il ait quitté le fauteuil présidentiel. Joseph Kabila est pourtant entouré de grands calculateurs et stratèges qui savent anticiper sur les situations, qui prennent très souvent les bonnes décisions dans les circonstances difficiles. Son anéantissement ne sera donc pas automatique. Il faut y aller avec la plus grande prudence et de la manière la plus méthodique possible parce qu’une simple erreur stratégique plongerait le pays dans un chaos.

L’objectif est défini, il faut arriver à son arrestation. En bon élève, le nouveau président de la République aura trouvé un terrain d’entente avec ses alliés occidentaux qui lui auraient donné toutes les garanties sécuritaires dont il avait le plus besoin.

4. La reconfiguration de l’appareil judiciaire

Le 07 février 2020, Félix Tshisekedi avait procédé à la nomination des membres du bureau du conseil supérieur de la magistrature. Ils sont parmi les plus importants magistrats du pays. Jean-Paul Mukolo avait alors été nommé procureur général près la cour constitutionnelle. La cour de cassation, le conseil d’État et la justice militaire avaient alors subit un sérieux changement qui ne restera pas sans conséquence pour l’avenir. Tous ces réglages se faisaient en douceur et sans casse, mais de plus en plus, les signaux passaient au rouge de l’autre bord de la rive.

Le camp de l’ancien président pressentait le plan qui se concoctait contre son leader. Mais pour le nouveau régime, ces mises à jour du système étaient amplement inévitables pour faciliter au nouveau président le plein exercice de ses fonctions. Aussi, si les animateurs de la justice au plus haut sommet seraient d’obédience de l’ancien président Joseph Kabila comme le raconte la presse surtout internationale, il faut noter que la majorité de ces magistrats sont sociologiquement acquis à la cause de Félix Tshisekedi. Là aussi, pour le FCC, il y a un sujet d’inquiétude et un problème de confiance en la justice.

5. Les nouvelles mises en place au sein des FARDC

Ayant une parfaite connaissance du rouage militaire congolais dont il est lui-même issu, l’ancien Général Major aujourd’hui sénateur à vie, Joseph Kabila a toujours sa main sur les FARDC selon certains observateurs. L’actuel ministre de la défense et des anciens combattants, Aimé Ngoy Mukena est membre du FCC et proche de l’ancien président de la République.

Cependant, la nomination du Lieutenant-Général Célestin Mbala Munsense par ordonnance présidentielle comme nouveau chef d’Etat-Major des FARDC succédant ainsi au Général Didier Etumba Longila, en poste depuis 2008; les réaménagements de la Garde Républicaine et de la Direction Générale des Migrations, étaient un signal fort donné par Félix Tshisekedi à son prédécesseur. C’est alors qu’après, le 02 mai 2020, il a signé une ordonnance portant mise à la retraite des officiers généraux des FARDC. Cet acte qui passait comme un non événement aux yeux des congolais moins curieux n’en était pas un pourtant. Il faudrait lire entre les lignes pour comprendre le dessous de ces ordonnances.

6. L’arrestation de Vital Kamerhe

L’arrestation de Vital Kamerhe, directeur de cabinet « empêché » du président Félix Tshisekedi a fait et continue de faire l’objet des spéculations dans le paysage politique congolais. La saga judiciaire qui cloue l’architecte de la coalition CACH pour des détournements présumés liés aux travaux des cents jours, suscite beaucoup de commentaires à l’intérieur et à l’extérieur de la RDC.

Pendant que les uns y voient un procès politique visant à écarter l’homme de Bukavu des élections présidentielles de 2023, d’autres y lisent la suite du schéma devant conduire à anéantir l’ancien lrésident de la République. Les rejets en cascade des demandes de sa mise en liberté provisoire ne sont pas une fatalité !

Quel lien l’exclusion de Vital Kamerhe de la présidence pourrait avoir avec l’arrestation de Joseph Kabila ?

Notons d’abord que les relations entre le patron de l’UNC, surnommé pacificateur et réputé homme équilibré et d’un génie politique imprévisible avec l’ancien président de la République, n’ont jamais été clairement déchiffrées par nombreux analystes.

Une chose semble vraie, Kamerhe et Kabila n’ont aucun problème particulier. Leurs rivalités sont strictement politiques, ce qui laisse penser que les deux hommes communiquent facilement entre eux jusqu’aujourd’hui. Il est donc impossible sinon très risqué aux yeux des détracteurs occidentaux d’avancer sur l’arrestation de Joseph Kabila sous la barbe de Vital Kamerhe.

En plus des agitations qui entourent le dossier Vital Kamerhe, les plaintes en gestation contre Joseph Kabila pour divers griefs ne sont pas sans impact sur le processus visant à anéantir l’ <> du FCC. Les appels à des tests ADN, la plainte déposée par Pascal Mukuna, … sont des signes précurseurs d’un tsunami qui peut à tout moment secouer la RDC avec le déclenchement de l’arrestation de l’ancien raïs.

7. Les nouveaux rebondissements dans le dossier AFDC-A

Depuis la rupture ouverte entre le sénateur Modeste Bahati Lukwebo avec le FCC (Front commun pour le Congo) favorable à l’ancien chef de l’État, une fissure s’était alors créée au sein du regroupement politique AFDC-A chère à ce premier. Certains élus députés et sénateurs avaient désavoué Bahati pourtant autorité statutaire de l’AFDC-A, s’alignant derrière Madame Nene Nkulu qui avait alors été proclamée nouvelle patronne de ce regroupement en violation des textes.

Tout semblait se passer sous la supervision du FCC qui voulait effacer Lukwebo de la scène politique. Ses élus dispersés au parlement, l’AFDC-A avait alors perdu son poids politique pendant que son initiateur attendait la décision de la justice pour qu’il soit réhabilité et sauver ce patrimoine du dédoublement dont il était menacé.

Selon certaines indiscrétions, Félix Tshisekedi se tournerait vers l’AFDC-A pour bien mener à bout la mission que lui aurait confié ses alliés de taille de l’autre côté de l’Atlantique. Les notifications aux élus AFDC-A favorables au FCC qui ont circulé dans les réseaux sociaux suscitent beaucoup d’inquiétudes quant à la volonté de ce premier de fragiliser le camp allié.

L’AFDC-A était le deuxième regroupement politique à avoir eu le nombre élevé d’élus aux élections de décembre 2018 immédiatement après le PPRD. Si donc ses élus de l’aille Nene Nkulu seraient invalidés au profit de leurs suppléants chacun, la majorité numérique sur laquelle s’appui le FCC pour malmener le nouveau président de la République n’aurait plus la même influence. Faut-il aussi savoir qu’au sein du FCC, plateforme chère à Joseph Kabila, pour des questions liées à la géopolitique ainsi qu’à d’autres facteurs, des tendances pencheraient déjà du côté du nouveau régime. Plusieurs tentatives de fronde ont déjà été étouffées depuis le départ de Modeste Bahati. Lukwebo, rendant ainsi fragile cette plateforme qui peut désormais surprendre à tout moment.

Toute cette succession des faits confortent la thèse selon laquelle l’objectif final des manœuvres en cours serait l’arrestation de Joseph Kabila.

Y arrivera-t-on ? C’est vrai, ce ne sera pas aussi facile qu’on le pense mais la base arrière de Félix Tshisekedi dans cette bataille qu’il mène et qui du reste n’est plus cachée serait très active sur le plan des renseignements et de la logistique et ainsi déterminée à se venger.

La suite reste très incertaine mais l’avenir de la coalition FCC-CACH est passé dans les zones sombres. L’occident joue le tout pour tout et Félix Tshisekedi semble beaucoup plus préoccupé par la dislocation du FCC et l’arrestation de son prédécesseur que par les échéances électorales de 2023.

Delphin Murhabazi,analyste politique

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