RDC : “Vital Kamerhe n’échappera pas dans le procès de 100 jours” (Tribune d’Érik Binga)

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Dans un procès hautement historique sous le thème sensible à savoir, le détournement, blanchiment et corruption, le directeur de cabinet Vital Kamerhe, 61 ans et père de 14 enfants est pris en sandwich par la justice congolaise fraîchement libérée des griffes des politiques depuis l’avènement du Congo-Belge indépendant.

C’est une histoire des intellectuels, un saga judiciaire sensationnel qui étale la létalité des hommes politiques congolais face aux biens publics, aux intérêts communs et la réputation de la république une fois nommé dans un poste de responsabilité dans les institutions ou entreprises publiques.

Disons le clairement que tous sont pareils. Ce sont des pères de famille qui ont juste du mal à vivre de leurs salaires mensuels, de leurs primes de prestations de services publics, et de leurs avantages liés aux fonctions occupées. Donc ce sont des oiseaux de même plumage.

Mais il s’agit, Vital Kamerhe, le chef d’orchestre d’un braquage des deniers publics sous le label d’un programme d’urgence dit de 100 jours initié peut-être par notre chef de l’État selon ses propres dire en insistant même qu’il aurait agit sous instructions de ce dernier via des annotations non pas écrites mais sur un simple discours à la nation.

C’est ça qui étonne l’opinion nationale de voir un intellectuel, paralysant tout un gouvernement et entreprises publiques pour agir en monarque ou duc de Kinshasa en manipulant la chaîne de dépense nationale.

Il est question de prouver sa culpabilité, sa létalité, sa ruse, sa manipulation et bien mauvaise foi dans cette affaire qui choc la nation. Revenons pièces contre pièces sur la plaidoirie du professeur Me Dieudonné Kaluba du 11 juin pour comprendre pourquoi ce monsieur n’y échappera pas à la condamnation ce samedi 20 juin 2020.

La plaidoirie historique du Professeur Me Dieudonné Kaluba Dibwa.

Je vous laisse lire le texte de la plaidoire de Maître Dieudonné Kaluba Dibwa, rendu par le journal le Phare. Une plaidoire qui va restée dans l’imaginaire collectif des praticiens du droit que nous sommes. Il faut noter que l’infraction de détournement de deniers publics ne s’analyse pas comme l’infraction de vol, d’abus de confiance ou comme j’attends certains dire, comme Vital Kamerhe lui-même, personne n’a prouvé que x montant a été transféré des comptes de l’Etat ou de SAMIBO Sarl vers ou dans celui de Vital Kamerhe ou Jammal a remis x sommes d’argents à VK, comme nous l’avons démontré dans l’un des nos posts, le détournement est une infractions des intellectuels, ils construisent des moyens, stratégies et actes pour arriver à cette fin sans que célà soit considéré necéssairement comme ilégal.

Cette plaidoirie démontre cette entreprise criminelle dont l’objectif était de faire disparaitre des sommes importantes au profit des personnes actrices de cette entreprise savament orchéstrée.

1. Le malentendu théorique

Il y a le tribunal qui vient d’être convaincu ou qui dit qu’il l’est déjà. En tout cas qui a sa religion éclairée. Il y a cette opinion publique qui nous suit de part et d’autre. Et toute la stratégie de la défense consiste à confondre ces deux auditoires. Or moi comme avocat de profession, et comme eux d’ailleurs car ce sont d’excellents confrères, nous savons que seul le juge doit être convaincu.

Voilà pourquoi moi je me suis préparé à venir convaincre le juge, pas l’opinion publique. L’opinion, oui, mais l’opinion intéresse l’homme politique et non l’avocat, non la défense, et non les acteurs judiciaires dans cette audience. C’est un malentendu qu’il fallait lever.

2. Des actes de rattrapage

Le deuxième malentendu sérieux et celui-là, il est vraiment sérieux parce qu’il est d’ordre juridique, c’est qu’on ne se comprend pas très bien sur la notion de contrat de marché public.
A la deuxième ou troisième audience, le prévenu Kamerhe vous a même dit que le contrat pouvait être verbal. Il vous l’a dit. Peut-être par ce développement, il a même dit qu’il était possible de régulariser.

C’est pourquoi j’ai failli intituler cette plaidoirie « la plaidoirie de rattrapage ». Et vous verrez que toute la succession d’actes dont je vous avais parlé à la première audience ce ne sont que des actes de rattrapage.

Comment ?

Le contrat de marché public, quelle est sa nature juridique d’abord ?

Ce n’est pas un contrat de droit privé. C’est un contrat de droit public et plus précisément un contrat de droit administratif. Cette qualification a quelque chose d’important en droit, parce que justement lorsqu’un contrat est de droit public, sa nullité a une nature différente que la nullité d’un contrat de droit privé. Je suis obligé de dissiper ce malentendu.

Les confrères reviendront peut-être plus tard dans les répliques sur cela.
Un contrat de droit public est soumis à des règles d’ordre public. Qu’est-ce que cela veut dire ? Ce sont des règles auxquelles on ne peut pas déroger et qui entraînent en cas de violation une nullité absolue. Et la nullité absolue dans la théorie générale du droit interdit toute confirmation postérieure. Donc, tout rattrapage est interdit. C’est très important de le savoir dès l’entame de cette plaidoirie, parce que M. Kamerhe et les prévenus qui sont en corréité avec lui viendront vous dire « oui mais nous avons tenté de nous rattraper ».

C’est tellement grave, parce qu’au commencement de ce procès, c’est ce qui se passe réellement.

Qu’est-ce qui se passe ?

Il se passe qu’il y a déjà un plan de décaissements qui indique même le montant qui doit être payé pour Samibo Sarl. Ce plan est antérieur à la facture elle-même, et cette facture est antérieure à l’avenant au contrat qu’il invoque lui-même. Vous voyez qu’il est dans un processus de régularisation. Si la régularisation existe en comptabilité publique, elle n’existe pas en droit des contrats des marchés publics. Ce malentendu doit donc être dissipé dès le départ.

Je ne reviendrai pas sur ce qu’avait dit l’un des témoins ici, je crois que c’est Monsieur Bilomba, qui contestait les diplômes qu’on achetait ailleurs. Je pense qu’il ne parlait pas du Congo parce qu’à voir la qualité des gens qui sont ici, le Congo a produit des gens suffisamment compétents pour savoir quelles sont les conditions légales de la passation d’un marché public. Et ces étapes sont indiquées dans la loi. Peut-être pour ne pas vous distraire, je prends ces étapes.

Elles se retrouvent dans l’article 194 déjà du Manuel des procédures qui dit ceci, s’agissant de l’avenant :

Un avenant n’est valable que s’il a obtenu la non-objection de la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics. Et de deux, s’il est approuvé par l’autorité approbatrice compétente compte tenu du montant du marché augmenté de celui de l’avenant. Mon honoré confrère reviendra sur les détails techniques de cela mais vous voyez déjà que ces deux conditions viennent à manquer. Ce sont des choses qui ne peuvent pas être faites.

3. Processus de toile d’araignée avec un chef d’orchestre et des mains qui agissent

Le deuxième malentendu qu’il faut évacuer, ce sont les règles de l’administration de la preuve en matière pénale. Le prévenu Kamerhe et à sa suite beaucoup d’autres personnes, et même ses conseils, ont exigé un procès pièce contre pièce. Oui, mais ce raisonnement est valable en matière de procès civil qui a une autre règle qui préside à l’administration de la preuve qui est la hiérarchie des modes des preuves.

Mais en matière pénale et cela doit être entendu de nous tous, la procédure obéit plutôt à une autre réalité qui est la conviction du juge mais qui n’est pas une conviction arbitraire. Celle-ci s’appuie sur des éléments de preuves qui sont administrées de manière libre par les parties. Il faut que les choses soient claires pour nous tous.

Ainsi, lorsque nous parlions à la première audience d’une infraction non pas intellectuelle comme j’ai lu chez certains semi-juristes mais d’intellectuel, penser que Monsieur Kamerhe vienne vous dire : « regardez dans mes poches si vous ne voyez pas l’argent du détournement… », ce serait trop facile.

Mais puisque c’est un intellectuel, qu’est-ce qu’il fait ? Nous sommes dans un processus de toile d’araignée.

Dans cette toile d’araignée, il y a un chef d’orchestre. Et puis, il y a des mains. « Il y a des mains qui agissent ». C’est ça le processus criminel que nous devons démontrer. Ce n’est pas produire des pièces, encore que nous allons en produire, puisqu’au procès pénal les pièces sont produites mais la seule règle est qu’elles sont soumises au contradictoire.

Un autre malentendu, ce sont les fameuses annotations du chef de l’État. Au départ, on vous a dit que tout se fait sur instruction du chef de l’État. Je pensais qu’il y avait des annotations écrites. Maintenant on évolue et on vous dit qu’il ne s’agit pas d’annotations écrites mais d’un discours.

Supposons que ce discours soit une instruction, mais est-ce qu’une instruction vaut un contrat ou un mandat criminel donné aux prévenus d’aller faire autre chose que ce pourquoi on a été envoyé en mission ? Vous voyez bien que ce sont des choses qui ne tiennent pas et nous reviendrons là-dessus.

Alors, le schéma criminel. Je vous ai dit qu’il s’agissait d’une toile d’araignée. Au centre de tout, il y a Vital Kamerhe. Ils accèdent au pouvoir le 24 janvier 2019. Le 25 janvier, il paralyse le gouvernement et les entreprises publiques par un communiqué. C’est évident. Ça, c’est un fait constant dans le dossier.

Mais en dehors de Vital Kamerhe, il y a sa famille biologique et sa famille politique. Dans sa famille biologique, il y a un certain Massaro qui connaît les enfants Jammal et les enfants Jammal qui connaissent Massaro. Et Massaro se met en contact avec Monsieur Jammal qui, au départ, avait déjà un contrat depuis 2018 de 900 maisons sur 9 provinces non exécuté faute de moyens, malgré l’ordre de mission déjà lancé, malgré la demande des fonds de 7 millions 700 mille dollars qui avait déjà été engagée. Ce contrat n’est pas exécuté.

Alors Monsieur Jammal, on peut recommencer ce dossier, mais au lieu de rester sur vingt-six millions qui sont des cacahuètes, allons sur un montant plus important. On va sur le montant de 57 millions 500 mille dollars US. On dit mais on peut réduire le nombre des provinces. Au lieu de neuf, on en revient à cinq. Voilà Messieurs.

4. Le plan de décaissement, une pièce centrale

Quand vous demandez à Massaro s’il connaît Jammal, au départ il titube et répond : « Je l’ai connu par ses enfants ». Mais à la première audience rappelez-vous, M. Kamerhe et M. Jammal vous ont dit de manière claire, de manière sérieuse comme une crise cardiaque qu’ils ne se connaissaient pas et qu’ils ne s’étaient jamais vus, même si plus tard à la dernière audience, peut-être après avoir médité autrement, ils sont arrivés à dire qu’ils se sont vus. Pour Kamerhe pendant deux ou trois minutes peut-être, et pour Jammal une fois ou deux fois. Les deux ont une sorte d’amnésie sélective. Tantôt ils se rappellent qu’ils se sont vus, tantôt ils oublient qu’ils se sont vus.

Mais un seul document montre qu’ils se sont vus, c’est le plan de décaissement. Comment pouvait-il le 1er mars 2019 prévoir un paiement pour Samibo qui ne lui avait adressé ni contrat ni facture ? Ce serait soit un cadeau, soit une révélation du Saint-Esprit mais je ne crois pas que le Saint-Esprit agit dans ce genre de circonstances. Il le sait, parce que la facture arrive après. Elle arrive le 6 mais il a déjà indiqué que Samibo doit être payé, non pas le montant de 26 millions qui figurait dans le premier contrat. Il s’agit d’un autre montant, celui qui sera d’ailleurs payé plus tard. Vous vous rendez bien compte qu’il s’agit des gens qui se connaissent. Et là, je comprends son argument premier selon lequel un contrat de marché public peut être verbal. Mais pour qu’il soit verbal, il faut que les gens se soient rencontrés. C’est de la logique.

5. Logique du détournement

Vous voyez que dans ce fatras d’éléments isolés, on peut trouver une logique. C’est cette logique-là qui va vous amener au détournement.

Mais lorsque cet argent arrive, qu’est-ce qu’il fait ? Puisque tout le monde est paralysé, parce que l’autorité contractante s’appelle le ministère du développement rural, c’est cette autorité contractante qui doit solliciter le paiement au profit du titulaire du marché qui est Samibo Sarl. Non, ce n’est pas cette autorité, c’est plutôt le directeur de cabinet du chef de l’État agissant, cette fois-ci, non pas comme directeur de Cabinet parce que dans l’ordonnance qui crée le cabinet du chef de l’État, il n’y a aucune compétence particulière pour aller réclamer l’exécution d’un contrat de marché public. Non. Alors, qu’est-ce qu’il fait ?

Il sollicite le paiement dans sa totalité, au mépris du contrat lui-même qu’il invoque, puisque ce contrat dit en première tranche 30%. Mais avant même ces 30%, les agents du ministère du développement rural devaient faire un voyage en Turquie pour checker, pour contrôler la qualité. Tout ça n’est pas fait et je vous dirai plus tard pourquoi tout ça n’est pas fait, pourquoi il passe outre. Et vous avez posé intelligemment la question. Vous avez dit : « quels sont les engagements des parties dans le contrat ? ». Le prévenu Kamerhe vous a dit que ce n’est pas son rôle de lire les contrats. En d’autres termes, dans ce contrat, une seule disposition l’aurait intéressé, c’est le prix. Cinquante-sept millions cinq cents mille dollars US. Le reste, les engagements des parties, ce n’est pas son affaire.

Mais pour quelqu’un qui est sorti d’une bonne école, de l’Université de Kinshasa, qui a de l’expérience, qui est un intellectuel, il vous l’a dit à la première audience; c’est quand même curieux qu’il ne lise qu’une seule disposition du contrat et pas les autres. Et il ne s’arrête pas là. Il dit mais puisque l’argent est arrivé chez les tiers, parce que le vrai problème du détournement, contrairement au vol, le vol on doit trouver le bien volé entre les mains du voleur mais pas le détournement.

Le détournement ça peut être même au bénéfice d’un tiers. Ici, l’argent va au bénéfice d’un tiers. Mais curieusement, nous constatons des mouvements suspects tout autour. Autour de cette famille biologique, vous avez entendu des gens et vous avez les pièces, des mouvements d’argent. Des gens qui avaient vingt-huit mille dollars le 31 mars 2018, tout d’un coup se retrouvent tous autour de quatre cents mille, cinq cents mille, huit cents mille. Tout ça c’est curieux. Juste au moment où le premier paiement a eu lieu. C’est curieux. Plus tard, parce qu’on garde toujours le meilleur pour la queue, je laisserai vers la fin le plaisir à mon estimé confrère de revenir sur une pièce capitale qui montre cette intention.

Vous avez tout autour la famille biologique. Massaro, tout agent de la Sonas qu’il est, se retrouve en train d’acheter à la vente publique des immeubles à un million cent vingt mille dollars, d’acheter des maisons à six cents mille dollars à la même période, c’est-à-dire avril-mai 2019.

Il y a un enrichissement qui ne s’explique pas. On vous dit que ce sont des réserves, ce sont des économies mais on n’indique pas l’origine de ces économies. Pire encore, on achète quelques immeubles dans la ville. Mais tous ces immeubles, puisque le crime ne peut pas être parfait, ont connu un seul monsieur comme chargé des démarches administratives. C’est Monsieur Kaniemesha. Et Monsieur Kaniemesha dépose devant l’Officier du Ministère Public pour dire oui, voilà la liste de tous les certificats d’enregistrement et il ajoute d’ailleurs, je les ai tous en original moi. C’est M. Kamerhe qui m’a demandé de les garder.

Quand on regarde cette liste, on ne voit pas un seul document au nom de M. Kamerhe, à part un terrain qu’il aurait à N’Sele. Tous les biens sont au nom des membres de sa famille. Et curieusement, sa famille politique s’invite. Plus d’une fois, lorsqu’on établit un titre de propriété, celui-ci se retrouve demandé dans un ministère, C’est le ministre Sakombi, curieusement de la même famille politique que lui, qui apparaît pour dire « oh, écoutez, amenez-moi le certificat ». Les témoins ont été entendus. Les procès-verbaux sont au dossier, c’est lui qui a demandé.
Se rendant compte que cette toile d’araignée, qui a quelques fissures déjà, parce que le 23 janvier 2019, Madame Soraya était cessionnaire d’un terrain, se rendant compte de cette difficulté, vous avez vu le débat qui s’est passé la dernière fois. Massaro dit : « moi j’ai acheté », mais celui chez qui on est censé avoir acheté, Jammal dit « Non, même si je ne parle pas très bien français, je ne me trompe pas. Je n’ai pas vendu, moi j’ai donné cadeau ».

D’ailleurs, c’est tellement vrai que son avocat, Me Tshitsha Bokolombe, a écrit, parlant de cession et non de vente. On est dans un processus de rattrapage des erreurs. Mais ce processus va même plus loin Monsieur le président, au point d’atteindre le Parquet Général de la Gombe. On ouvre un faux dossier parce que M. Kamerhe vous a dit, rappelez-vous, comment il a vu dans les réseaux sociaux que sa fille ou plutôt sa belle-fille était devenue cessionnaire d’une parcelle sur la baie de Ngaliema. Il fallait faire annuler ce contrat. Très bien. Et il en aurait parlé au chef de l’État. Très bien. Mais il est allé plus loin, sans le faire ouvertement. On est passé par le Parquet près la Cour d’Appel de la Gombe qui a ouvert un dossier je ne sais contre qui.

Mais au cours de ce dossier, on a intimé l’ordre au conservateur d’annuler le certificat d’enregistrement de Soraya. Ça été fait, vous verrez le certificat là-bas. Il y a les procès-verbaux dans le dossier. Mais Monsieur le conservateur étant un homme intelligent, il dit « oui, mais je vais annuler sur quelle base, parce que les actes sont faits régulièrement ? ». Il a annulé pour des raisons de superficie mais a rétabli les titres au nom des parties, de telle sorte que cet argument de rattrapage n’a pas pu tenir, parce qu’en avril, le contrat de concession perpétuelle a été établi au nom de Soraya. Malgré les dénégations de son père ou plutôt de son beau-père selon lesquelles ce contrat était mauvais. Il était donc tout à fait au courant, au moment où il signait en avril 2019 le paiement, que le contrat avec Soraya existait, parce qu’ils étaient déjà au Parquet. Voilà pourquoi je vous disais que l’ensemble des actes isolés va nous inviter sur la voie du processus.

6. La récitation d’Hamida

S’agissant de son épouse, vous l’avez entendu. Vous avez vu comment elle s’est battue en faisant une belle récitation, mais comme toutes les belles récitations, celles-ci ont toujours des défauts. Alors, madame vous dit au départ qu’elle est commerçante, elle ne connaît pas sous quel registre de commerce elle exerce son commerce. Elle se rappelle quand même qu’il y a 826.000 dollars qui ont été donnés en cash à son mariage, 33.000 euros en cash, 10 millions de francs CFA, 4 véhicules 4×4 neufs. Cet argent qui est donné au mois de février, parce que c’est un mariage public, en tout cas qui a connu une grande publicité, ne se retrouve sur le compte qu’au mois d’avril. Exactement après le 8 avril c’est-à-dire après le paiement de la première tranche de quatorze millions de dollars US donnés à Samibo. Ce sont des coïncidences.

Le Saint-Esprit agit, c’est possible. Il peut agir, que les gens d’une famille aient de l’argent tous presqu’au même moment, achètent leurs biens presque tous au même moment. Le Saint-Esprit agit, mais il agit dans le bien. Il n’agit pas de cette manière-là. Parce que le directeur de cabinet, tout-puissant qu’il est, a un salaire connu. Ce salaire, on peut le retracer et il est incapable, ce salaire-là, d’acheter tous ces biens-là, dans une année. C’est impossible. Encore que je ne veuille pas aller plus loin parce que le code d’éthique interdit d’ailleurs aux agents publics et à leurs épouses, même par personnes interposées, de faire le commerce. En tout état de cause, cette voie-là n’est pas la meilleure de toutes les manières. Voilà comment cela se passe.

7. Une sorte d’entente commune

Et au-delà, il y a Monsieur Muhima. Malgré l’article 6 du contrat qu’ils invoquent eux-mêmes mais qu’ils ont mal lu puisque l’article 6 de ce contrat parle du titulaire du marché. Dans l’entendement des autres, ils nous disaient que c’est plutôt le gouvernement congolais qui doit payer les taxes et la douane. Mais non, le mot titulaire dans le droit des marchés publics concerne d’abord le soumissionnaire dont l’offre a été acceptée, c’est-à-dire à la personne qui a obtenu le marché public, ça ne peut pas être l’État.

En clair, il y a comme une sorte d’entente, je ne dirai pas préalable, mais d’entente commune. C’est ce que la jurisprudence d’ailleurs exige, pour que l’argent de l’État atterrisse dans les bonnes mains et ne fasse pas ce qu’il doit faire. Mais maintenant, on va vous donner un dernier argument. Oui, mais il y a 211 maisons. Oui, il y a 211 maisons, on sait les voir. Mais où est l’argent ? Parce que l’argent avait été donné au mépris des lois et des règlements de la République, pour que cela soit fait dans l’urgence.

Le ministre Yav a été encore plus disert parce certainement sorti des bonnes écoles, il n’a pas voulu dire beaucoup de choses mais a sorti une bonne phrase, il a dit : « Monsieur le président, le directeur de cabinet m’a fait comprendre la priorité qu’il y avait dans ce dossier. Cette priorité qui est allée jusqu’à toucher les réserves internationales et donc, on ne peut pas revenir plus d’une année après pour nous dire qu’il y a 211 maisons sinon la priorité s’est émoussée. Il n’y en a pas. Pourquoi fallait-il aller si vite si, en fin de compte, on est allé si lentement ? Pourquoi ?

Ce sont donc des manœuvres de rattrapage. S’étant rendu compte que finalement tout était bouclé, et que la faute était là, le prévenu Kamerhe et sa suite ont commencé à chercher…

Plus grave encore, Muhima qui va toucher de l’argent de la République, a un comparse qui est également un membre de la famille politique de Monsieur Vital Kamerhe, Monsieur le ministre Ntumba John. Je n’ose pas appeler éxcellence parce que le mot éxcellence doit avoir un contenu moral. Ce ministre se promène avec de l’argent de la République dans les caisses de sa voiture et se retrouve à Matadi pour importer non pas les maisons mais finalement des voitures de la Présidence.

Finalement quoi ? Les véhicules, les meubles et les appareils matériels qu’on a vu peut-être à la télévision être donnés comme des cadeaux dans les hôpitaux. Mais ça s’appelle comment tout ça ? C’est ça le détournement Monsieur le président. Voilà pourquoi je m’en tenais d’abord à lever ce malentendu pour passer la parole à mon excellent confrère qui va revenir sur chacune des préventions, et me réservant la parole plus tard pour revenir sur des questions vraiment de droit, parce qu’en réalité, ce dossier est un dossier juridique très intéressant. Un dossier pédagogique qui va donner au peuple congolais l’occasion de savoir quelles sont les infractions dont on est susceptible lorsqu’on gère les deniers publics.

Car, en fait, la République c’est quoi ? La République c’est nous tous, c’est notre vouloir vivre ensemble, mais notre manière aussi de nous repartir les ressources pour avoir une vie meilleure.

8. Hybrisme du pouvoir

Mais si quelques-uns d’entre nous, parce qu’ils ont simplement créé des partis politiques peuvent accéder à ces charges et gèrent nos biens communs comme si c’étaient leurs propres poches, c’est une occasion pédagogique de les corriger et de manière claire. Parce qu’au fait, en dehors de l’adhésion ou de l’appartenance à un parti politique, il y a beaucoup de congolais qui ne sont membres d’aucun parti politique mais qui sont d’une compétence avérée.

Je ne sais même pas pourquoi on ne les nomme pas. Pourquoi on s’abrutit dans des partis politiques qui forment des gens qui se comportent de la sorte ? Il y a tout, sauf de la rigueur, sauf du sérieux. Malgré tous les conseils qui lui ont été donnés notamment par un des témoins, Monsieur Kangudia qui est son ami, quelle est la réponse du prévenu Kamerhe ? Il a convaincu le chef de l’État. C’est ce qu’il nous dit. Kangudia lui dit : « j’ai vu dans la salle M. Jammal, je le connais depuis la RTNC, il n’a jamais fait les travaux mais il a réclamé vingt-cinq millions de dollars, ne faites pas cela ». Il dit : «non, il a convaincu le chef de l’État ». Est-ce l’attitude d’un cadre responsable ?

Parce qu’en réalité, dans le procès pénal, ce ne sont pas seulement les actes, c’est le comportement de l’infracteur qu’on juge. On juge un homme, on ne juge pas les papiers. C’est pour ça que dès le départ je vous avais dit, lorsque je l’ai vu s’agglutiner à des bouts de papier, « non, on juge le comportement ». Le comportement de l’infracteur est-il le comportement d’un père de famille ? Diligent ? Moyennement intelligent ? Or ici, on vous a vanté qu’on n’est même pas moyennement intelligent.
On est carrément intellectuel qui est un terme que moi-même je n’ose pas m’attribuer.

Être intellectuel, c’est appartenir à une classe sociale. Cette classe sociale, c’est une classe non pas seulement des gens qui détiennent des diplômes mais des gens qui ont, comme la morale, le bien commun comme valeur absolue. C’est ça les intellectuels, à ne pas confondre avec les universitaires. Les universitaires sont tous ces gens qui ont des diplômes et ils sont nombreux au Congo. L’intellectuel c’est une classe d’individus rares. Même en Europe vous les retrouvez rarement les intellectuels. On s’est donné des mots, j’appelle ça l’hybrisme du pouvoir, parce que généralement quand on est au pouvoir on se croit doté d’une intelligence supérieure du fait d’être assis sur une chaise alors que l’intelligence est une denrée bien partagée, peut-être par d’autres personnes.

Voilà Monsieur le président, je ne vais pas abuser de votre temps. Tout ça c’était le malentendu théorique.

Erik Binga, analyste politique et économiste monétaire

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